TAS 2021/A/7723 Seidou Mbombo Njoya c. Confédération Africaine de Football
ORDONNANCE
sur
REQUÊTE D’EFFET SUSPENSIF
rendue par la
Présidente suppléante de la Chambre arbitrale d’appel du
TRIBUNAL ARBITRAL DU SPORT
dans la procédure arbitrale d’appel entre
M. Seidou Mbombo Njoya, Cameroun
Représenté par Me Olivier Ducrey, Baker & McKenzie, Genève, Suisse
Appelant
et
Confédération Africaine de Football (CAF), 6th October City, Egypte
Représentée par Me Marc Cavaliero et Ms Carol Etter, Cavaliero & Associates, Genève,
Suisse
Intimée

 

I. LES PARTIES
1. M. Seidou Mbombo Njoya (« l’appelant »), citoyen camerounais, est le Président ad
interim de la Fédération Camerounaise de Football (« FECAFOOT »).

2. La Confédération Africaine de Football (« l’intimée » ou « CAF ») est l’instance
dirigeante du football pour le continent africain. Son siège est situé à 6th October City,
en Egypte.

3. M. Seidou Mbombo Njoya et la CAF sont collectivement dénommés « les parties ».

II. LA DÉCISION ATTAQUÉE

4. Par décision du 12 février 2021, la Commission de Gouvernance de la CAF a déclaré
M. Seidou Mbombo Njoya non-éligible au poste de membre du Conseil exécutif de la
CAF (« la décision attaquée »).

III. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LE TAS

5. Le 19 février 2021, l’appelant a déposé une déclaration d’appel – valant mémoire
d’appel – contre la CAF concernant la décision attaquée. En plus d’une requête de
procédure accélérée, l’appelant a soumis une requête d’effet suspensif, concluant à :
A titre préliminaire :
1. Accorder l’effet suspensif au présent appel et, ce faisant, suspendre
temporairement les effets des décisions de la Commission de
Gouvernance de la CAF du 29 janvier 2021 et du 12 février 2021
déclarant M. Seidou Mbombo Njoya non éligible au Comité Exécutif de
la CAF.

2. Déclarer que la présente procédure arbitrale est soumise à la procédure
accélérée en application de l’art. R52 alinéa 4 du Code TAS.

6. Le 23 février 2021, le Greffe du TAS a initié une procédure arbitrale d’appel sous la
référence TAS 2021/A/7723 Seidou Mbombo Njoya c. Confédération Africaine de
Football. Dans son courrier, et compte tenu de la requête de procédure accélérée de
l’appelant, le Greffe du TAS a octroyé aux parties un délai de deux jours pour
s’accorder sur un calendrier de procédure.

7. Le 26 février 2021, suite à une extension de délai accordée par l’appelant, puis
confirmée par le Greffe du TAS, l’intimée a produit un calendrier procédural.

8. Le 28 février 2021, l’appelant a confirmé son accord quant au calendrier procédural
suggéré par l’intimée, mais a indiqué maintenir sa requête d’effet suspensif. Par
conséquent, le 1er mars 2021, le Greffe du TAS a accordé à l’intimée un délai au 2 mars
2021 pour déposer sa réponse à la requête d’effet suspensif.

9. Le 2 mars 2021, l’intimée a déposé sa réponse à la requête d’effet suspensif de
l’appelant.

10. Les moyens développés par les parties seront examinés par la Présidente suppléante de
la Chambre arbitrale d’appel du TAS (« la Présidente suppléante ») dans la mesure où
cela est strictement nécessaire.

IV. EN DROIT
A. Compétence du TAS et recevabilité de l’appel
11. Selon l’article R47 du Code, « [u]n appel contre une décision d’une fédération,
association ou autre organisme sportif peut être déposé au TAS si les statuts ou
règlements dudit organisme sportif le prévoient ou si les parties ont conclu une
convention d’arbitrage particulière et dans la mesure aussi où la partie appelante a
épuisé les voies de droit préalables à l’appel dont elle dispose en vertu des statuts ou
règlements dudit organisme sportif ».

12. En l’espèce, la compétence du TAS résulte de l’article 48 al. 1 des Statuts de la CAF,
qui prévoit que : « La CAF autorise le recours au Tribunal Arbitral du Sport, une
juridiction arbitrale indépendante ayant son siège à Lausanne (Suisse) pour tout
différend opposant la CAF, les associations nationales, les membres, les ligues, les
clubs, les joueurs, les officiels, les agents de matches et les agents de joueurs
licenciés. »

13. La compétence du TAS n’est par ailleurs à ce stade pas contestée par l’intimée.

14. Au vu de ce qui précède, la Présidente suppléante considère que le TAS est prima facie
compétent, sans préjudice de la décision finale que rendra la Formation arbitrale sur ce
point après examen des règlements applicables.

15. Par ailleurs, l’article R49 du Code prévoit que « En l’absence de délai d’appel fixé par
les statuts ou règlements de la fédération, de l’association ou de l’organisme sportif
concerné ou par une convention préalablement conclue, le délai d’appel est de vingt-etun jours dès la réception de la décision faisant l’objet de l’appel. […] ».

16. La Présidente suppléante relève que l’article 48 al. 3 des Statuts de la CAF dispose que
« Le TAS est seul compétent pour statuer sur les recours contre toutes décisions ou
sanctions disciplinaires prises en dernier ressort par tout organe juridictionnel de la
CAF, de la FIFA, d’une association nationale, d’une ligue ou d’un club. Le recours doit
être déposé auprès du TAS dans les dix (10) jours suivant la notification de la
décision. ».

17. Toutefois, au vu de l’article 40 al. 1 des Statuts de la CAF, la Présidente suppléante
considère que la Commission de Gouvernance, organe ayant rendu la décision attaquée,
est un organe de conformité et non un organe juridictionnel dès lors que sa fonction
n’est pas d’infliger des sanctions disciplinaires, mais de contrôler l’éligibilité de tout
candidat à un poste exécutif au sein de la CAF.

18. Par conséquent, la Présidente suppléante considère que l’article 48 al. 3 des Statuts de la
CAF – qui prévoit un délai d’appel de 10 jours – n’est pas applicable dans le cas
d’espèce et qu’il y a dès lors lieu de se référer à l’article R49 du Code.

19. En outre, la Présidente suppléante constate que, dans sa réponse à la requête d’effet
suspensif, l’intimée n’a pas soulevé d’objection à la recevabilité de l’appel.
20. En l’espèce, la décision attaquée a été notifiée à l’appelant le 12 février 2021. L’appel
ayant été déposé le 19 février 2021, il est prima facie recevable, sans préjudice de la
décision finale que rendra la Formation arbitrale sur ce point après examen des
règlements applicables.

B. Conditions d’octroi des mesures provisionnelles

21. Conformément à l’article R37 du Code, la Présidente suppléante peut, avant la
transmission du dossier à la Formation et sur requête d’une partie, ordonner des mesures
provisionnelles ou conservatoires. Pour décider de l’octroi de mesures provisionnelles,
la Présidente de Chambre prend en considération « le risque de dommage irréparable
qu’encourt la partie requérant(e), les chances de succès de la demande au fond et
l’importance des intérêts de la partie requérante par comparaison à ceux de la partie
défenderesse/intimée ».

22. Selon la jurisprudence du TAS, les trois critères fixés par l’article R37 du Code sont
cumulatifs (TAS 2012/A/2961 ; voir également MAVROMATI/REEB, The Code of the
Court of Arbitration for Sport – Commentary, Cases and Materials, 2015, Art. R37 N
28).

DOMMAGE IRRÉPARABLE

23. Dans sa requête d’effet suspensif, l’appelant soulève les arguments suivants :
– Selon la jurisprudence du TAS, le requérant doit établir qu’il serait lui-même
exposé à un risque de dommage irréparable en cas de refus des mesures
sollicitées. Les mesures requises doivent être nécessaires pour protéger sa
position d’un dommage ou risques qu’ils seraient impossibles ou très difficile à
remédier à un stade ultérieur (cf CAS 2009/A/1918).

– Dans le cas d’espèce, il ne fait pas de doute que si la prétendue décision de
considérer l’Appelant comme non-éligible et de le priver ainsi de participer
valablement à l’élection du 12 mars 2021 devait être maintenue, l’Appelant serait
définitivement privé de toute chance d’être élu et un tel dommage serait sans
conteste irréparable.

– La décision de le déclarer non éligible a entrainé des conséquences négatives à
l’égard de l’Appelant qui perdurent. En effet cette décision laisse chaque jour une
image négative et injustifiée de l’appelant – aux yeux du public et des votants de
la prochaine élection au Comité Exécutif. Cette décision l’empêche de manière
irrémédiable de mener une campagne équitable dans laquelle chaque jour est
décisif ce qui justifie l’octroi de mesures provisionnelles.

24. En réponse à la requête d’effet suspensif, l’intimée a présenté les arguments ci-dessous :
– L’intimée rappelle que, au moment de décider sur une requête de mesures
provisionnelles, le TAS devra considérer si une telle mesure est nécessaire afin
de protéger le requérant d’un dommage substantiel auquel il serait difficile de
remédier à un stade ultérieur (CAS 2007/A/1370-1376 ; CAS 2008/A/1630).

– Le risque de dommage irréparable doit en outre être concret.
– À titre d’exemple, la jurisprudence du TAS retient que le simple fait pour un
athlète professionnel d’être interdit de participer à un événement sportif pour
cause de dopage n’est pas suffisant pour justifier l’octroi de l’effet suspensif.

– De plus, étant donné qu’une procédure accélérée a été convenue entre les parties,
l’appelant se doit de démontrer l’existence d’un préjudice irréparable jusqu’à ce
que la décision sur le fond soit rendue. Toutefois, l’appelant expose une
argumentation très générale lors qu’il déclare que « il ne fait pas de doute que si
la prétendue décision de considérer l´Appelant comme non-éligible et de le
priver ainsi de participer valablement à l´élection du 12 mars 2021 devait être
maintenue, l’Appelant serait définitivement privé de toute chance d´être élu et
un tel dommage serait sans conteste irréparable ».

– Ce type de considérations générales ne répond pas à l’exigence de justification
de la demande. L’appelant n’a ainsi pas respecté le principe du fardeau de la
preuve consacré à l’article 8 CC.

– Qui plus est, vu l’absence d’interdiction de faire campagne, l’appelant ne subit
aucun préjudice irréparable.

– Concernant le préjudice en termes d’image soulevé par l’appelant dans son
courrier électronique du 28 février 2021, cet argument doit être considéré
comme tardif dans la mesure où il n’a pas été avancé dans la requête d’effet
suspensif. Cela étant dit, l’appelant ne présente aucune preuve concrète de la
perte de confiance à son égard et/ou d’atteinte à son image.

– Au vu des éléments susmentionnés, l’intimée estime que l’appelant n’a pas
démontré l’existence d’un quelconque dommage, et encore moins l’existence
d’un dommage irréparable.

25. Pour les raisons qui seront exposées ci-dessous, la Présidente suppléante considère que
la décision attaquée ne fait pas subir de préjudice irréparable à l’appelant.

26. En premier lieu, la Présidente suppléante rappelle que, d’après la jurisprudence du TAS,
les parties invoquant un préjudice irréparable « doivent démontrer que les mesures
demandées sont nécessaires pour protéger leur position contre des dommages ou des
risques auxquels il serait impossible, ou très difficile, de remédier ou d’annuler
ultérieurement. » (CAS 2011/A/2615, CAS 2011/A/2618 et CAS 2010/A/2113 et les
références citées) et « sans aucune preuve concrète pour justifier un tel dommage (ou
un dommage potentiel selon le cas d’espèce), des allégations générales de dommages
potentiels ne suffisent pas pour établir un préjudice irréparable. » (CAS 2014/A/3642).

27. Dans le cas d’espèce, la Présidente suppléante constate que l’appelant se contente
d’allégations générales, sans apporter le moindre élément concret qui prouverait que la
décision attaquée lui causerait un quelconque dommage. Le fait de n’avoir apporté
aucune preuve de préjudice irréparable tend d’ores et déjà au rejet de la requête d’effet
suspensif de l’appelant.

28. En second lieu, la Présidente suppléante relève que l’appelant a certes été déclaré
inéligible aux élections des membres au Comité exécutif de la CAF, mais qu’il n’a pas
été banni de toute activité liée au football. Ainsi, force est de constater que, malgré la
décision attaquée, l’appelant a conservé toutes ses prérogatives, parmi lesquelles sa
position de Président ad interim de la FECAFFOT, et également la possibilité de mener
campagne pour les élections au Comité exécutif de la CAF du 12 mars 2021. Rien
n’empêche ainsi l’appelant de se rendre sur le lieu du Congrès de la CAF les jours
précédant l’élection et de mener sa campagne en se prévalant de sa procédure d’appel
devant le TAS.

29. En troisième lieu, la Présidente suppléante constate que l’appelant allègue que la
décision attaquée lui un cause un préjudice en termes d’image et de réputation. La
Présidente suppléante rappelle qu’il est de jurisprudence constante qu’une atteinte à la
réputation ou à l’honneur ne constitue pas en elle-même un préjudice irréparable
(RIGOZZI, A. / HASLER, E., Arbitration in Switzerland – The Practitioner’s Guide,
éd. Arroyo, M., ad article R37, p. 1493 ss.). Compte tenu de son statut de personnalité
public au Cameroun, à savoir Président ad interim de la FECAFOOT, il est inévitable
que la presse, ses opposants et l’opinion publique relaient des informations le
concernant et les commentent durant la procédure. Dans ces circonstances, il n’est pas
contesté que l’appelant fasse l’objet d’atteinte(s) à son honneur et à sa réputation, mais
il s’agit des conséquences propres à une telle affaire et l’octroi de l’effet suspensif ne
saurait guérir de telles effets.

30. Finalement, et au-delà de l’examen de la condition du risque de dommage irréparable, la
Présidente suppléante relève – tout comme l’intimée – que, dans ses conclusions,
l’appelant sollicite du TAS :
Accorder l’effet suspensif au présent appel et, ce faisant, suspendre
temporairement les effets des décisions de la Commission de Gouvernance de la
CAF du 29 janvier 2021 et du 12 février 2021 déclarant M. Mamadou Antonio
Souaré non éligible au Comité Exécutif de la CAF.

31. Or, la Présidente suppléante souligne que l’appelant n’a à aucun moment été déclaré
éligible par la CAF, ce qui semble être un prérequis indispensable pour prendre part aux
élections du 12 mars 2021. Dans ce contexte, il sied de relever que la requête de
l’appelant ne vise qu’à suspendre les effets des décisions prononçant son inéligibilité,
sans pour autant requérir du TAS de le déclarer éligible, au moins provisoirement.

32. La Présidente suppléante conclut que, non seulement l’appelant ne subit pas de
préjudice irréparable, mais qu’accorder l’effet suspensif à la décision prononçant
l’inéligibilité de l’appelant ne lui est d’aucun secours dans la mesure où il n’a pas pris
de conclusions tendant à prononcer son éligibilité provisoire. En tout état de cause, la
Présidente suppléante ne saurait déclarer l’appelant provisoirement éligible au risque de
statuer ultra petita.

33. Finalement, et par surabondance d’arguments, la Présidente suppléante constate que les
parties se sont officiellement mises d’accord pour soumettre cette affaire à la procédure
accélérée de l’article R52 al. 4 du Code et que, à ce titre, le calendrier procédural
proposé par les parties a été validé par le Greffe du TAS le 26 février 2021. Ainsi, dans
la mesure où une procédure accélérée permet la résolution de ce litige de manière
définitive avant l’élection du 12 mars 2021, la Présidente suppléante considère que
l’appelant ne subit pas de dommage irréparable.

C. Conclusion
34. Compte tenu de ce qui précède, la Présidente suppléante considère que l’appelant ne
subit aucun dommage irréparable et, uniquement sur cette base, rejette sa requête d’effet
suspensif.

35. Par économie de procédure, les autres conditions d’octroi de l’effet suspensif, à savoir
les chances de succès de l’appel sur le fond et la pesée des intérêts en présence, ne
seront pas analysées par la Présidente suppléante.

V. FRAIS
36. Conformément à la pratique constante du TAS, les frais relatifs à la présente
ordonnance seront arrêtés dans la sentence finale ou toute autre décision mettant fin à la
présente procédure.

 

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